Khoutba centrale : « Allah voit ton effort et ton engagement »
Lorsque nous entendons le mot « succès », une image du résultat obtenu apparaît presque immédiatement devant nos yeux : un projet achevé, un objectif atteint, les fruits visibles de notre travail. Nous appelons généralement « succès » ces grandes étapes que nous franchissons. Nous savons clairement que sans effort il n’y a pas de réussite, mais la vie réelle nous enseigne qu’un effort fourni ne donne pas toujours ce que nous espérions, ni que chaque peine est « récompensée » à la hauteur de ce qui y a été investi.
La question se pose alors : l’effort qui n’a pas donné de résultat visible appartient-il au domaine du succès ou de l’échec ? Ce que nous appelons « effort vain » appartient-il réellement à la défaite ?
L’échec dans la réalisation d’une idée nous ouvre parfois les yeux sur un chemin plus juste, une meilleure méthode ou une solution plus utile. C’est ce dont parlent souvent les spécialistes en management et en gestion des ressources humaines, mais aussi de nombreuses personnes qui, après de multiples chutes, ont réussi à accomplir de grandes choses dans leur vie.
Le croyant, cependant, ne s’arrête pas aux seules expériences humaines et théories. Il revient à sa principale source de force et de motivation : la foi et ses enseignements. On y trouve des messages qui nous apprennent que la valeur de l’effort, de l’intention et de la persévérance dépasse le cadre du simple résultat que nous voyons.
« Et dis : Agissez ! Allah verra vos actions, de même que Son Messager et les croyants ; puis vous serez ramenés vers Celui qui connaît l’invisible et le visible, et Il vous informera alors de ce que vous faisiez. »
(At-Tawba, 105)
Cet autre nous oriente vers l’effort, et non vers le résultat. Il ne dit pas : « Réussissez ! », mais : « Efforcez-vous ! » L’accent est mis sur ce que nous investissons, et non seulement sur ce qui devient visible à la fin. Cet effort ne sera pas perdu : Allah le Très-Haut le voit, Son Messager le voit, et les croyants le voient également.
Le Prophète, paix et bénédictions sur lui, dit :
« Les communautés précédentes m’ont été présentées. J’ai vu un prophète accompagné d’un groupe, un prophète accompagné d’un ou deux hommes, et un prophète qui n’était accompagné de personne… »
(Mutaffaq ‘alayh)
Imagine un prophète avec qui il n’y avait personne, ou seulement une ou deux personnes. Selon notre critère superficiel, lié aux chiffres, cela pourrait sembler être un échec total. Mais oserions-nous dire que ces prophètes n’ont pas été réussis ? Oserions-nous, Dieu nous en préserve, penser qu’ils ont été perdants, alors que le Très-Haut leur avait confié la mission de transmettre Son message ?
Bien sûr que non. Ils sont réussis car ils ont accompli leur mission avec loyauté. Ils ont transmis le message, donné le maximum d’eux-mêmes, été persévérants et sincères. Leur véritable réussite réside là. Ce hadith confirme clairement que le résultat, le nombre de partisans, l’effet visible ou ce que l’œil constate ne constitue pas la mesure ultime du succès aux yeux d’Allah.
Le résultat est entre les mains de notre Seigneur. Pourquoi certains cœurs s’ouvrent et d’autres restent fermés, pourquoi certaines idées se réalisent et d’autres non : seul Lui en détient la réponse.
« Tu ne guides pas celui que tu aimes, mais Allah guide qui Il veut, et Il connaît mieux ceux qui suivent la voie droite. »
(Al-Qasas, 56)
L’un des principes fondamentaux de la croyance islamique est que rien ne se produit sans la volonté d’Allah. Nous devons prendre les moyens, travailler, planifier et nous efforcer, mais les causes ne sont jamais absolues. Le décret d’Allah est déterminant. Il nous appartient de faire ce qui dépend de nous, avec sincérité d’intention et persévérance.
Les hadiths sur l’intention et les œuvres nous rappellent fortement cela.
Ibn ‘Abbas, qu’Allah l’agrée, rapporte du Prophète, paix et bénédictions sur lui, qui rapporte de son Seigneur :
« Allah, le Très-Haut, a décrété les bonnes et les mauvaises actions, puis Il les a expliquées (aux anges). Celui qui a l’intention de faire une bonne action mais ne la réalise pas aura une bonne action inscrite en sa faveur. S’il la réalise, elle sera inscrite pour lui de dix à sept cents bonnes actions et plus encore. Celui qui a l’intention de commettre une mauvaise action mais ne la commet pas, Allah l’inscrira auprès de Lui comme une bonne action complète. Et s’il la commet, elle sera inscrite comme une seule mauvaise action. »
(Bukhari)
Ebu Hurayra, qu’Allah l’agrée, rapporte que le Prophète, paix et bénédictions sur lui, a dit :
« Allah, le Très-Haut, dit : Lorsque Mon serviteur désire commettre une mauvaise action, ne l’inscrivez pas tant qu’il ne l’aura pas commise. S’il la commet, inscrivez-la comme une seule mauvaise action. S’il y renonce par crainte de Moi, inscrivez-la comme une bonne action. Et lorsqu’il désire accomplir une bonne action mais ne la réalise pas, inscrivez-la comme une bonne action, et s’il la réalise, inscrivez-la multipliée de dix à sept cents fois. »
(Muslim)
Nous voyons donc que n’est pas seulement récompensé celui qui réalise le bien, mais aussi celui qui avait sincèrement l’intention de le faire mais n’a pas réussi à le concrétiser. Est également récompensé celui qui a voulu commettre un mal, puis y a renoncé pour Allah. Si une personne est récompensée dès le niveau de l’intention, il est clair que celui qui s’efforce, investit du temps, de la force et des moyens pour accomplir un bien mais n’y parvient pas, mérite une récompense encore plus grande.
Que dire alors de ceux qui travaillent des années dans un domaine du bien, n’abandonnent pas, appellent, éduquent, organisent, planifient et ne baissent pas les bras, même si l’objectif fixé n’est pas encore visible ? Un tel effort ne peut être considéré comme un échec total.
Dans les textes sur la prière, la valeur de la préparation, de l’attente et du maintien de l’état de connexion au culte est mise en avant :
« Vous ne cessez d’être en prière tant que vous attendez la prière. »
(Mutaffaq ‘alayh)
« Les anges invoquent pour chacun d’entre vous tant qu’il reste à l’endroit où il a prié, disant : “Seigneur, pardonne-lui ! Seigneur, fais-lui miséricorde !” »
(Mutaffaq ‘alayh)
L’attente de la prière est considérée comme un temps passé en prière. Rester à sa place après la prière est une cause pour que les anges invoquent pour la personne. La récompense n’est donc pas liée uniquement au « moment principal » du culte, mais aussi à ce qui l’entoure : la préparation, la constance, le maintien dans un état de recueillement.
Les savants ont tiré de tels textes la règle selon laquelle est interdit ce qui mène certainement à l’interdit, et que devient obligatoire tout ce sans quoi une obligation ne peut être accomplie. Cela confirme que les moyens menant au péché ou au bien ne sont pas insignifiants : ils portent un statut et un poids juridiques.
Les actes qui entourent l’œuvre bonne, qui la préparent et la soutiennent, ne sont pas vains. Ils ont leur valeur et ne sont pas perdus auprès d’Allah.
C’est pourquoi il est important de ne pas être esclaves du résultat. Le croyant ne mesure pas sa vie uniquement par la question : « Est-ce que cela a réussi ? », mais avant tout par ces questions : « Ai-je sincèrement eu l’intention pour Allah ? Ai-je fait ce qui dépendait de moi ? Suis-je resté sur le bon chemin, même lorsque les fruits que j’attendais ne sont pas arrivés ? »
Si l’intention est droite, le chemin juste et l’effort sincère, alors cet effort, quelle que soit son apparence à nos yeux, appartient au succès. Les résultats viennent lorsque Allah veut, de la manière qu’Il veut et pour qui Il veut. Et l’effort accompli pour Lui n’est jamais perdu.
La véritable réussite est que l’homme persévère dans le bien, laissant les fruits à son Seigneur, convaincu que chaque tentative sincère — même « non aboutie » à nos yeux — aura sa place sur la balance d’Allah.
(Khoutba centrale du chef de culte Hafiz Hilmija Redžić du 5 décembre 2025 à l’Association Islamique de Luxembourg à Bonnevoie)