Khoutba centrale : « Le style et l’élégance résident dans la douceur et la mesure »

Le croyant est circonspect et réservé : il se préserve de l’injustice et ne place pas autrui dans une situation où l’on invoquerait Allah contre lui à cause d’un zulm. La circonspection se bâtit sur la douceur et la mesure ; ce sont des qualités qu’Allah aime. Ibn ‘Amr ibn ‘Abd al-Qays, radijallahu ‘anhu, rapporte :
« Lorsque nous sommes arrivés à Médine, nous nous sommes précipités de nos montures vers le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam. Al-Ashajj al-Munzirî, lui, attendit d’atteindre sa besace ; il revêtit ses deux habits — dans d’autres versions, il se lava, mit des vêtements neufs, se parfuma — puis vint au Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam. Celui-ci lui dit : “En toi se trouvent deux qualités qu’Allah aime : la douceur et la mesure.” Il dit : “Ô Messager d’Allah, les ai-je acquises par effort ou Allah m’a-t-Il créé avec elles ?” Il répondit : “Allah t’a créé avec elles.” Il dit : “Louange à Allah qui m’a créé sur deux qualités qu’Allah et Son Messager aiment.” » (Abû Dâwûd, 5225)

À l’inverse, nous trouvons chez les polythéistes l’excès et la grossièreté.
‘Uqba ibn Abî Mu‘ayt se distinguait par sa bassesse et sa corruption. Al-Bukhârî rapporte d’après ‘Abdullâh ibn Mas‘ûd, radijallahu ‘anhu : « Un jour, le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, priait près de la Ka‘ba, et Abû Jahl avec ses compagnons étaient assis. L’un d’eux dit : “Qui parmi nous ira chercher chez le boucher des intestins pour les jeter sur le dos de Muhammad lorsqu’il se prosternera ?” Le plus vil d’entre eux, ‘Uqba ibn Abî Mu‘ayt, se porta volontaire. Il les apporta, et lorsque le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, se prosterna, il les posa sur son dos, entre ses omoplates. Je regardais la scène sans rien pouvoir faire ; même si j’avais essayé, je n’y serais pas parvenu. Ils se mirent à rire si fort qu’ils se penchaient les uns sur les autres. Le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, resta en prosternation ; il ne releva pas la tête jusqu’à ce que sa fille Fâtima vienne, enlève le fardeau de son dos, puis il releva la tête et dit : “Ô Allah, occupe-Toi des Quraych ! Ô Allah, occupe-Toi des Quraych ! Ô Allah, occupe-Toi des Quraych !” Leur pesa lourd cette invocation, car ils considéraient que les prières dans cette ville étaient exaucées. Ensuite il énuméra : “Seigneur, occupe-Toi d’Abû Jahl, de ‘Utba ibn Rabî‘a, de Shayba ibn Rabî‘a, d’Al-Walîd ibn ‘Utba, d’Ubayy ibn Khalaf, de ‘Uqba ibn Abî Mu‘ayt — et j’en citai un septième mais je ne me souviens pas lequel.” Par Celui qui détient mon âme dans Sa main, je les ai tous vus morts dans un puits à Badr. » (Sahîh al-Bukhârî, 1/37 ; hadiths 240, 520, 2934, 3185, 3854, 3960 ; notes 208–209. Remarque : le « septième » était ‘Imâra b. al-Walîd, explicitement dans le hadith 520)

« Chaque fois qu’Ubayy ibn Khalaf voyait le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, il le calomniait et se moquait de lui, alors Allah révéla : “Malheur à tout calomniateur — railleur !” » (Al-Humaza, 104 : 1 ; Ibn Hishâm)

La dérision et la violence dirigées contre le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, furent accueillies par la prière du lésé et par la justice d’Allah. Le croyant se garde donc rigoureusement du zulm : il ne se permet pas d’être celui contre qui l’on invoque, à juste titre.

Le modèle de circonspection que nous montre ‘Abdullâh ibn Mas‘ûd, qui rapporte cet épisode avec les polythéistes, est tout autre. ‘Abdullâh ibn Mas‘ûd, radijallahu ‘anhu, dit : « Je priais ; une fois assis, je commençai par louer Allah le Très-Haut, puis par adresser des prières sur le Messager, sallallahu ‘alayhi wa sallam, puis je fis des invocations pour moi-même. Le Messager, sallallahu ‘alayhi wa sallam, dit : “Invoque, on t’exaucera ! Invoque, on t’exaucera !” » (Ahmad, 3662 ; Tirmidhî, 593 — hasan)

« Dans la version d’Ahmad, il est précisé que cela eut lieu dans la mosquée et qu’Ibn Mas‘ûd disait cette invocation : “Ô Allah, je Te demande une foi qui ne dévie jamais, une grâce qui ne s’éteindra jamais, et la compagnie du Messager, sallallahu ‘alayhi wa sallam, dans les plus hautes demeures du Paradis éternel.” » (Ahmad, 3662)

« Alors que le Messager d’Allah, sallallahu ‘alayhi wa sallam, passait près de lui en compagnie d’Abû Bakr et de ‘Umar, radijallahu ‘anhuma, il s’arrêta pour écouter sa récitation du Coran et dit : “Que celui qui aime réciter le Coran à frais, comme au moment de sa révélation, qu’il le récite selon la récitation d’Ibn Umm ‘Abd.” » (rapporté d’après ‘Abdullâh ibn Mas‘ûd ; voir par ex. le Musnad d’Ahmad et les Sunan d’Ibn Mâdja)

« ‘Umar, radijallahu ‘anhu, dit : “Je me dis en moi-même : par Allah, j’irai de bonne heure chez ‘Abdullâh pour l’égayer par la bonne nouvelle de l’amen du Messager, sallallahu ‘alayhi wa sallam, à son invocation !” Je m’y rendis dès l’aube, et j’y trouvai Abû Bakr, radijallahu ‘anhu, qui m’avait devancé avec cette annonce réjouissante. Je dis alors : “Ô Abû Bakr, tu es toujours celui qui devance dans le bien.” » (rapporté dans le cadre des récits précédents ; voir le Musnad d’Ahmad)

La circonspection du croyant est pratique : elle façonne son attitude envers les gens (sans violence ni moquerie) et elle façonne son ‘ibâda (ouverte par la louange d’Allah, la prière sur le Messager et l’invocation). La douceur et la mesure sont à la fois don et devoir : don lorsque Allah nous a créés dessus, et devoir de les cultiver au quotidien. Ainsi, le style du croyant demeure loin de la précipitation et du zulm, et proche de la du‘â’, de l’équité et d’une relation fraîche et vivante avec le Coran.

(Khoutba centrale du chef de culte Hafiz Hilmija Redžić du 10 octobre 2025 au Centre Islamique et Culturel Berat à Esch-sur-Alzette)